jeudi 13 octobre 2011

Que signifie "Plaidoyer de culpabilité"?

Le processus judiciaire, ainsi que certains de ses termes, peuvent parfois sembler compliqués; pas toujours facile de s'y retrouver quand on doit faire face à ce système pour la première fois!

L'avocate criminaliste, Maître Véronique Robert, a rédigé un texte éclairant sur ce que signifie "un palidoyer de culpabilité" et ses différentes implications. Si vous, votre conjointE ou une personne proche de vous subit ou a subit un procès où il est question d'un plaidoyer de culpabilité, ce texte risque de vous aider à mieux comprendre ce que ça signifie.

Bonne lecture!



SourceBlogue "Le droit au silence" de l'avocate criminaliste Véronique Robert

J’ai lu plus tôt cette semaine sur Twitter qu’une personne croyait que le Dr. Guy Turcotte avait plaidé coupable aux accusations portées contre lui.  Puis j’ai entendu hier deux adolescents discuter du procès de Guy Turcotte en disant qu’il avait plaidé coupable et qu’on faisait défiler des témoins pour décider de sa sentence.
Lorsque l’on plaide coupable, il n’y a pas de procès.
Le plaidoyer de culpabilité, c’est un aveu judiciaire de culpabilité.  C’est le fait de dire à la Cour « Je reconnais avoir posé le geste pour lesquel on m’accuse, et je reconnais être moralement coupable de ce crime ».
À quoi ça sert?
Ça sert à éviter la tenue d’un procès qui deviendrait inutile puisque la personne reconnait sa culpabilité, à la fois factuelle et morale.



Parenthèse -   La procédure judiciaire pénale française, jusqu’à tout récemment, n’offrait pas cette possibilité, et les juristes de common law que nous sommes avons bien du mal à comprendre comment une telle situation était possible.  Pourquoi faire un procès quand la personne dit « oui je l’ai fait, je voulais consciemment le faire, et je n’ai aucune excuse ni explication».  La France donc, désormais, connait cette procédure qu’ils appellent « 
le plaider coupable ».  Incidemment, le droit pénal français connait aussi désormais le droit au silence (au moment de l'arrestation seulement, toutefois), j’y reviendrai dans un autre billet.  Brièvement, mon opinion chauvine : enfin la France se met au diapason de la Common Law.


Les conséquences du plaidoyer de culpabilité sont simples :  la personne est déclarée coupable par le juge, et on décide ensuite de la peine à imposer.  Tout ça demeure public, et il n'est pas question, 
comme le craignent des penseurs français, d'une justice secrète. 
Parfois, la peine a été négociée entre l’accusé (son avocat) et le représentant du ministère public.  C’est ce qu’on appelle la négociation de plaidoyer, ou le plea bargaining : la poursuite et la défense s’entendent sur une peine, en échange de quoi l’accusé plaidera coupable.  Évidemment, ces négociations se font dans la mesure où l’accusé reconnaît les faits car, encore une fois,  on ne peut pas plaider coupable si on ne reconnait pas sa culpabilité.  Il arrive souvent, à la Cour, qu’un accusé qui a mal compris dise au juge « oui, je plaide coupable, mais j’ai rien fait », ou encore «je plaide coupable, mais c'est pas ma faute ce qui est arrivé».  Évidemment, dans de tels cas, le juge refuse de déclarer l’accusé coupable.

La suggestion commune de peine
Lorsque la peine a été décidée entre les parties, elle est soumise au juge qui l’accepte dans la grande majorité des cas.  Mais le juge n’est pas lié par cette suggestion, et l’avocat doit en avoir informé son client. Je dirais même l’en avoir informé avec emphase. Reste que pour refuser cette suggestion commune de sentence, le juge doit la trouver manifestement déraisonnable.  Et elle doit l'être effectivement, sans quoi la Cour d'appel interviendra.

Les représentations sur la peine
Si l’accusé plaide coupable sans qu’il n’y ait de suggestion commune de peine, les parties feront des représentations à la Cour pour l’amener à imposer la peine que chacun juge la plus juste selon les circonstances et selon le profil du délinquant.  Le juge peut alors suivre la suggestion de la défense, de la Couronne, ou aucune des deux.  Il demeure rare que le juge impose une peine plus clémente que celle proposée par la défense, ou plus sévère que celle proposée par la Couronne.   Par exemple, si pour un vol qualifié je suggère à la Cour une peine de 3 mois de prison, et que le ministère public suggère une peine de 12 mois, le juge peut imposer une peine de 3 mois, de 6 mois, de 8 mois, de 12 mois etc.  Rarement le juge déciderait devant de telles propositions d’imposer  une simple amende, ou une peine de 2 ans. 
Qu’est-ce que ça donne
Ça ne donne pas grand-chose sinon, comme je le disais plus tôt, d’éviter la tenue d’un procès, ce qui est déjà beaucoup.
Par contre, il faut comprendre que le plaidoyer de culpabilité est un aveu, c'est à dire un indice de remord et de repentir.   Ce sera donc considéré comme un facteur atténuant, au moment de déterminer la peine.  Évidemment, l’accusé qui a plaidé coupable a, dans certains cas, évité à une ou des victimes de subir un procès difficile. Cet élément est aussi un facteur atténuant au moment de choisir la peine, si bien que plus le plaidoyer de culpabilité est intervenu tôt dans les procédures, plus le juge considérera celui-ci comme un facteur atténuant la peine.  (Pour illustrer, imaginons des procédures de trois ans qui auront exigé la tenue d’une enquête sur remise en liberté de trois jours, une enquête préliminaire de cinq jours, et trois semaines de procès.  Imaginons que l’accusé, après ces trois semaines de procès, décide de plaider coupable.  Celui-ci n’aura pas épargné beaucoup de tracas aux victime en comparaison avec l’accusé qui aurait plaidé coupable trois jours après son arrestation.)
Il faut faire attention : Si le plaidoyer de culpabilité est un facteur atténuant la sentence, le fait de ne pas plaider coupable et de subir un procès ne devra jamais être considéré par le juge comme un facteur aggravant.  Chacun a le droit à un procès, ce droit est constitutionnellement protégé, et sacré.
La non culpabilité morale
Quand les faits sont admis mais que la culpabilité morale n’est pas admise, un procès doit se dérouler.  C’est là qu’interviennent les moyens de défense.
La défense de troubles mentaux est de ceux là.  La légitime défense aussi.  L’erreur de fait.  La contrainte.  L’impossibilité.  Il y a aussi l’intoxication volontaire et la provocation qui sont des moyens de défense incomplets en ce sens qu’ils n’amènent pas un acquittement mais une atténuation de la responsabilité.
Prenons l’exemple de la légitime défense, qui est simple :  «oui je l’ai fait, mais je n’avais pas le choix pour me défendre ».   L’accusé ne fait pas cette déclaration au début du procès, même si son avocat peut l’exposer en ouverture, comme cela a été fait dans Guy Turcotte.  La déroulement sera celui d’un procès normal : La Couronne fait toute sa preuve, pour bien ancrer le contexte, et la défense présentera ensuite sa défense.
À la fin d'un procès où il y aura eu un moyen de défense invoqué, comme par exemple la légitime défense, l’accusé sera soit déclaré coupable, soit acquitté.

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